Dans un arrêt du 19 juillet 2017, le Conseil d’Etat a apporté des précisions intéressantes concernant les clauses pénales insérées dans les marchés publics. Tout d’abord, il indique l’objet et la portée de la clause pénale. Ensuite, il rappelle le pouvoir de modulation exceptionnel dont dispose le juge du contrat lorsque le quantum des pénalités est manifestement excessif ou dérisoire (CE, 29 décembre 2008, Office public d’habitations à loyer modéré de Puteaux) Enfin, il précise comment démontrer le caractère excessif du montant des pénalités de retard appliquées par le pouvoir adjudicateur
1.L’objet et la portée des pénalités de retard
Les clauses pénales afférentes aux retards du Titulaire dans l’exécution de ses prestations ou ses travaux « […] ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus ; ».
Le Conseil d’Etat précise que les pénalités « […] sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ; ».
En d’autres termes, si la clause pénale a pour objet de réparer un préjudice hypothétique résultant des retards, son application est totalement déconnectée de l’existence de préjudices pour le pouvoir adjudicateur.
2.Un pouvoir de modulation du quantum des pénalités de retard par le juge administratif conditionnel et limité
Tout d’abord, la modulation du montant des pénalités de retard doit être demandée par les parties. Cela signifie que le juge administratif ne peut user du pouvoir de modulation que s’il est saisi de conclusions en sens.
Ensuite, le principe reste l’application de la « loi des parties » par le juge administratif. Aussi ce n’est qu’à titre exceptionnel, dans l’hypothèse où leur montant est manifestement excessif ou dérisoire, que le juge administratif peut décider de les modérer où les augmenter. Seront pris en compte, pour déterminer le caractère excessif ou dérisoire des pénalités, le montant du marché et l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations.
Selon le Conseil d’Etat, une pénalité représentant 26 % du montant du marché n’est pas excessive quand bien même elle aurait pour effet de réduire à néant la marge bénéficiaire de l’entreprise (CE, 20 juin 2016, Eurovia Haute-Normandie, req. n°376235).
Enfin, il est précisé « qu’au vu de l’argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu’impose la correction de leur caractère manifestement excessif ; ». La rectification du montant des pénalités est limitée à corriger son caractère excessif ou dérisoire.
3.La preuve du caractère manifestement excessif ou dérisoire du montant des pénalités
Le Titulaire du marché ne peut pas se prévaloir de ce que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que les préjudices qu’il aurait subis serait inférieur au montant des pénalités qui lui ont été appliquées. Ces arguments sont inopérants pour le Conseil d’Etat.
Le titulaire doit « […] fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif ; ».
Le Conseil d’Etat indique au Titulaire les éléments à fournir pour obtenir la diminution du montant des pénalités – pratiques observées sur des marchés comparables ou particularité du marché en litige. Cette liste précédée de l’adverbe « notamment » n’est pas limitative. Il conviendra d’être attentif aux éléments probants acceptés par le juge administratif pour modérer le quantum des pénalités afin de compléter utilement cette liste.
Le pouvoir adjudicateur devra être attentif au quantum des pénalités de retard qu’il insère dans ses CCAP afin de s’assurer, qu’en cas de retard, ledit montant couvre l’intégralité de ses préjudices. Le cas échéant, il devra apporter au juge administratif les éléments probants de nature à établir dans quelle mesures les pénalités de retard présentent selon lui un caractère dérisoire.
Sources :
CE, 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, req. n°392707, Publié au recueil Lebon
CE, 29 décembre 2008, Office public d’habitations à loyer modéré de Puteaux, req. n° 296930, Publié au recueil Lebon
CE, 20 juin 2016, Eurovia Haute-Normandie, req. n°376235